Les sorties théâtre de l'ENC

jeudi 24 janvier 2008

FALSTAFE - COMPLET

FALSTAFE (d’après Henri IV de Shakespeare)

COMPLET

Merci de ne plus faire de réservations



Mardi 25 à 20 heures au Théâtre de Chaillot : Falstafe (d’après Henri IV de Shakespeare)

Texte Valère Novarina (1975) ; Mise en scène : Claude Buchvald

Une version d’un grand classique du théâtre, rendue dans une écriture redoutablement charnelle avec une économie de la langue, une vivacité du trait, une puissance organique de la phrase : Novarina renoue à sa manière avec l’esprit élisabéthain…

Prix de la place : scolaire : 10 euros ; adulte : 16 euros


mardi 15 janvier 2008

LE JEU DE L'AMOUR ET DU HASARD de Marivaux au Théâtre Mouffetard

Mercredi 16 janvier 2001 : Options Théâtre et 1ères L et ES
Jeudi 17 janvier : Association Culturelle et 1ères S

LE JEU DE L´AMOUR ET DU HASARD

De MARIVAUX

Mise en scène Xavier LEMAIRE

avec Isabelle Andréani (Lisette), Gaëlle Billaut-Danno (Silvia),
Bernard Carpentier (Monsieur Orgon), Julien Cigana (Mario),
Xavier Clion (Dorante), Christian Dubouis (Arlequin), Michaël Gaudeul (le laquais)

décor Caroline Mexme / costumes Brigitte Elbar / lumières François Eric Valentin
assistant Michaël Gaudeul

la pièce
Monsieur Orgon a convenu de marier sa fille Silvia à Dorante, fils d’un de ses meilleurs amis. Celui-ci est attendu au château, afin de rencontrer la belle. Silvia, fille libre d’esprit, n’est pas contre ce mariage,mais demande à son père de tester son futur, en prenant le rôle et les habits de sa soubrette, Lisette… Monsieur Orgon accepte la supercherie et s’en amuse avec son fils Mario, d’autant plus qu’une lettre de son ami l’avertit que Dorante veut lui aussi tester Silvia, et a décidé de prendre les habits de son valet Arlequin… le piège est tendu et de jeux de dupes en aveux, l’amour et le hasard vont triompher !

note d’intention
Le Jeu de l’amour et du hasard est une comédie en trois actes et en prose de Marivaux, représentée pour la première fois par les comédiens-italiens ordinaires du roi le lundi 23 janvier 1730. Ce classique des classiques est d’un modernisme à toute épreuve ! Intrigue à rebondissements où le spectateur est complice, répliques qui font mouche et jeux ambigus des émotions. Dans cette mise en scène, je vois un Dorante et une Silvia issus d’un milieu très riche, ils ont déjà un vécu amoureux, ils représentent une jeunesse dorée qui veut se stabiliser sans pour autant prendre de risques affectifs (les trentenaires se reconnaîtront !). Parallèlement, Arlequin et Lisette vont se griser de ce jeu de dupe, laissant apparaître les riches parvenus qu’ils pourraient être ! Le décor inspirera un univers de riches propriétaires, il sera fluide et permettra trois espaces différents (un lieu de civilité comme un salon de réception, un lieu de confession amoureuse comme la cuisine et un lieu d’intimité comme la chambre de Silvia…). Fragonard et son « verrou » sont nos inspirations de départ. Les costumes seront intemporels, avec une vraie distance entre Maître et Valet, et une notion de mode et de luxe… J’aimerais également une disparité physique entre les acteurs qui permette de faire ressortir le loufoque des situations de travestissement. Je fais le voeu qu’à l’issue de chaque représentation le spectateur s’en aille chargé d’allégresse, de sensualité et d’émotion et que, sous le masque de la comédie, le jeu cruel des apparences sociales se révèle. C’est dans le contraste du léger et de l’intense que naissent les meilleures comédies.
Xavier Lemaire

du 10 janvier au 23 février 2008
du mercredi au vendredi à 20h30
samedi à 17h et 21h dimanche à 15h

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MARIVAUX – Le Jeu de l'amour et du hasard, 1730. Comédie en trois actes de Marivaux mise en scène par Xavier Lemaire au Théâtre Moufetard (2008).

Le théâtre du XVIIIème siècle : un théâtre de situation.

1720 – Arlequin poli par l'amour : 1er succès (influence de la Commedia dell'arte).

1725 – L'île des esclaves : comédie philosophique (la relation maître et valet : le travestissement et l'inversion des rôles).

1729 – La Nouvelle colonie.

1732 – Le Triomphe de l'amour.


DOSSIER PEDAGOGIQUE DU SPECTACLE


RESUME DE LA PIECE

Monsieur Orgon a convenu de marier sa fille Silvia, à Dorante, fils d’un de ses meilleurs amis. Celui-ci est attendu au château, afin de rencontrer la belle.

Silvia, fille libre d’esprit n’est pas contre ce mariage, mais demande à son père de tester son futur, en prenant le rôle et les habits de sa soubrette, Lisette…

Monsieur Orgon accepte la supercherie et s’en amuse avec son fils Mario, d’autant plus, qu’une lettre de son ami l’avertit que Dorante veut lui aussi tester Silvia, et a décidé de prendre les habits de son valet Arlequin…le piège est tendu et de jeux de dupes en aveux, l’amour et le hasard vont triompher !

NOTE DE MISE EN SCENE

XAVIER LEMAIRE, POURQUOI CHOISIR DE METTRE EN SCENE LE JEU DE LAMOUR ET DU HASARD ?

Depuis que je fais des mises en scène, j'ai monté dix-sept pièces d’auteurs contemporains, vivants et un classique L’épreuve de Marivaux justement…

Il est passionnant pour moi de marquer une parenthèse avec un autre classique : ces pièces qui, imprimées par le génie de leur auteur, ont traversé les âges, les modes, les courants, et s’adaptent à chaque époque !

Et de nouveau Marivaux, car c’est un théâtre qui bien que classique est d’un modernisme à toute épreuve, c’est un théâtre fertile aux brios des acteurs, aux jeux ambigus des émotions, qui naviguent entre chair et esprit dans un contexte social prégnant, avec un humour dévastateur.

QUELLES QUALITES VOUS INSPIRENT MARIVAUX ?

Dans ce théâtre, la fantaisie, l'imaginaire, l'énergie des interprètes excellent ! Ce n'est pas par hasard si Marivaux écrivait essentiellement pour les comédiens italiens, comédiens généreux, plein de faconde et d’esprit.

Son texte est un feu d'artifices de sentiments exprimés, ressentis, sous-entendus ! Il va du profane au sacré, du silence à l’exaltation ! Régal de l'acteur que d'aller chercher toutes ces émotions dans les veinules de chaque virgule ! Régal pour le metteur en scène que de régler cette partition si précise, où le contexte amoureux est mis à mal par le contexte social, où les personnages malgré leur identité forte (ce sont des emplois : servante, valet, jeunes premiers, père raisonneur, etc.) sont ambigus dans leurs sentiments, où l’ambiance générale est un tourbillon dans lequel drame et burlesque se côtoient!

ET CE JEU DE LAMOUR ET DU HASARD ?

Le jeu de l’amour et du hasard est une des pièces les plus célèbres de Marivaux. Remarquablement construite, elle offre de multiples angles d’approches scénographiques et dramaturgiques. J’aime cette histoire de travestissement qui permet à chaque personnage de se confronter à une condition et une vie qu’il n’aura jamais et par delà se confronter à lui-même en dehors de toute artifice… Ce texte, si subtil dans son analyse du rapport amoureux, me fait rire et m’émeut.

Fort d’une expérience conséquente dans la mise en scène, j’ai très envie de me confronter à ce chef d’œuvre qui réclame une direction d’acteur très précise, de la rigueur et beaucoup de fantaisie…

QUELLE SERA VOTRE LECTURE DE LA PIECE ?

Pour faire ressortir l’intrigue, je voudrais un Dorante et une Sylvia issus d’un milieu très riche, ils ont déjà un vécu amoureux, ils représentent une jeunesse dorée qui veut se stabiliser sans pour autant prendre de risques affectifs ! Je ne vois pas deux jeunes premiers innocents… (C’est une vision contemporaine du rapport amoureux ! En effet, je remarque que beaucoup de jeunes trentenaires, cherchent l’âme sœur pour fonder une famille après avoir vécu de singulières expériences !) Parallèlement, Arlequin et Lisette vont se griser de ce jeu de dupe, laissant apparaître les riches parvenus qu’ils pourraient être !

ET LA SCENOGRAPHIE SERA-ELLE CONTEMPORAINE ?

C’est une question récurrente lorsque l’on monte un classique : « Est-ce que les costumes seront d’époque ou pas d’époque ? » Je ne conçois pas la mise en scène sous cet angle.

Ce qui m’importe c’est de savoir si l’histoire que l’on raconte restitue l’esprit de l’auteur et touche le spectateur dans son intimité. Je ne veux pas de cartes postales aux images d’Epinal, ni d’un Marivaux « perruqué » et ampoulé !

Pour cette mise en scène, le décor inspirera un univers de riches propriétaires, il sera fluide et permettra trois espaces différents (un lieu de civilité comme un salon de réception, un lieu de confession amoureuse comme la cuisine et un lieu d’intimité comme la chambre de Sylvia…). Fragonard et son « verrou » sont nos inspirations de départ. Les costumes seront plus intemporels que 18ème, avec une vraie distance entre Maître et Valet, et une notion de mode et de luxe… J’aimerais aussi une disparité physique entre les acteurs qui permettent de faire ressortir le loufoque des situations de travestissement (une Sylvia sylphide face à une Lisette gironde…). Car avant tout je trouve la pièce très drôle, et j’aimerais que le spectacle le soit.

EN CONCLUSION ?

C'est dans le contraste du léger et de l'intense que naissent les meilleures comédies.

J'aimerais qu'à l'issue de chaque représentation, le spectateur s’en aille chargé d’allégresse, de sensualité et d'émotion et que sous le masque de la comédie, le jeu cruel des apparences sociales se révèle.


NOTE DE SCENOGRAPHIE

Un dispositif ludique, léger, mobil et dynamique qui à chaque changement accompagne le mouvement des cœurs.

L’enjeu est de restituer par le choix des couleurs et des matières, cette vibration et cet élan propre aux tableaux du 18ième.

Un espace où se composent et se décomposent 3 lieux principaux :

La chambre de Silvia, avec son lit, ses draps, ses robes, lieu intime où se noue l’intrigue et auquel on revient à la toute fin.

La cuisine, lieu central de notre vision de la pièce au second acte, en sous sol, sans issues, qui met en relief les contradictions entre être et paraître de chacun des protagonistes.

Enfin, le « hall », sorte de labyrinthe où toutes les entrées sont possibles..........................................................................................................................................................

COURRIER DU SPECTATEUR :

"J'ai aimé/ Je n'ai pas aimé"

"J'ai aimé le jeu des acteurs. Je n'ai pas aimé la mise en scène un peu trop moderne, ne reflétant pas assez le XVIIIème siècle." (Marie)

"C'est assurément la meilleure pièce que nous ayons vue de l'année! J'ai beaucoup aimé les acteurs et surtout le fait que la mise en scène ait été aussi drôle et bien pensée. La scène dans la cuisine avec les deux domestiques déguisés en maîtres était la plus amusante, l'ajout de la banane et des raisins par le metteur en scène rendait la scène vraiment hilarante. Deplus, on était situé au premier rang sur le côté, là où les acteurs faisaient de nombreux apartés, on a donc pu voir très distinctement les nombrux jeux cmiques des personnages.

La seule chose qui m'a un peu déplue, c'est qu'il y ait parfois quelques longueurs.

Les personnages les plus drôles étaient Lisette, la servante déguisée, Mario, le frère, et arlequin, déguisé en Dorante. "(Valentine)

"Cette pièce m'a beaucoup plu. J'y retournerais volontiers. J'ai trouvé la mise en scène dynamique, les acteurs excellents et très attachants. Seuls points négatifs (quasi négligeables) : j'aurais bien aimé un peu plus d'accessoires pour certaines pièces de la maison : le salon avec les bancs, la chambre. En revanche la cuisine était très réussie." Clémence M.

"Spectacle amusant, divertissant, intéressant. Décor simple et correct" (Benjamin).

"Je n'ai pas aimé le jeu trop excessif d'Arlequin travesti" (Adélaïde).

"J'ai beaucoup aimé cette pièce : je n'avais jamais lu la pièce mais dès les stratagèmes mis en place au début par la famille Orgon, le spectateur devine en partie le déroulement et le dénouement de la pièce : ce qui fait vraiment l'originalité de cette pièce et ce qui m'a plu était la mise en scène : le travestissement des personnages (composé avec quelques accessoires contemporains, comme le boa de Lisette par exemple) était très dérisoire et décalé, de ce fait, cela contraste avec le rang des personnages, issus de la noblesse. De plus, la scène entre Arlequin et Lisette dans la cuisine avec les fruits était très originale et vraiment comique. Le frère est également très attachant par toutes ses mimiques (son visage était très expressif). Enfin les rôles de comte et comtesse joués par les deux valets sont hilarants, car chacun grossit les traits et caractéristiques de ces deux statuts : l'autodérision des deux est très agréable." Clémence S.

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Dossier de Nathalie Gineste : 1ère ES


Le jeu de l’amour et du hasard

Comédie en trois actes et en prose de Marivaux (1730).

Mise en scène par Xavier Lemaire au théâtre Mouffetard (2008).

avec Isabelle Andréani (Lisette), Gaëlle Billaut-Danno (Silvia),
Bernard Carpentier (Monsieur Orgon), Julien Cigana (Mario),
Xavier Clion (Dorante), Christian Dubouis (Arlequin), Michaël Gaudeul (le laquais)

décor
Caroline Mexme / costumes Brigitte Elbar / lumières François Eric Valentin
assistant
Michaël Gaudeul


Le texte théâtral


L’auteur : Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux


Dramaturge et romancier français (Paris, 1688 - id., 1763).

Pierre Carlet naît le 4 février 1688, à Paris. Son père, fonctionnaire de la Marine, devient en 1699 contrôleur de la Monnaie à Riom. Les revenus de cette charge permettront aux Carlet d'acheter les terres de Chamblain et de Marivaux. Pierre entre au collège des Oratoriens, où il acquiert une solide culture classique. En 1710, à vingt-deux ans, il monte à Paris pour faire ses études de droit, qu'il interrompt trois ans plus tard, après la publication d'une première comédie, le Père prudent et équitable (1712).


Pierre Carlet se met à fréquenter les journalistes du Mercure et le salon de Mme de Lambert: il rejoint ainsi le clan des Modernes, opposés aux Anciens dans une célèbre querelle, commencée dans les années 1680, et réactivée en 1714. Les œuvres du jeune écrivain le situent résolument du côté des Modernes: roman psychologique et sensible avec les Effets surprenants de la sympathie (1712-1714), roman parodique avec Pharsamon ou les Folies romanesques (rédigé en 1713, publié en 1737) et la Voiture embourbée (1714), essai satirique avec le Bilboquet (1713), détournement burlesque des Anciens dans l'Homère travesti ou l'Iliade en vers burlesques (1717), et le Télémaque travesti (rédigé en 1717, publié en 1736). En 1717, son mariage avec Colombe Bollogne (qui mourra six ans plus tard) assure à celui qui signe désormais du nom de Marivaux un confort matériel suffisant pour lui permettre de se consacrer exclusivement à la littérature.


Ce n'est pourtant que sous la Régence que sa carrière se jouera définitivement. En 1720, la faillite du système de John Law ruine Marivaux, qui, pour reprendre la charge de son père, décédé un an plus tôt, termine ses études de droit, et est reçu avocat au parlement de Paris en 1721. Il ne plaidera guère, car, en 1720, les comédiens-italiens remportent un vif succès avec Arlequin poli par l'amour : le dramaturge peut vivre désormais de sa plume. Durant une vingtaine d'années, il rédige une trentaine de pièces, dont il confie plus des deux tiers à la Comédie-Italienne. Après quelques articles publiés dans le Mercure dès 1717, il lance en 1721 un journal dont il est le seul rédacteur, le Spectateur français. Les livraisons s'échelonneront jusqu'à la création, en 1727, de l'Indigent philosophe, suivi, en 1734, du Cabinet du philosophe. Homme de théâtre, essayiste et journaliste, Marivaux apporte aussi une contribution majeure à l'histoire du roman. De 1731 à 1741, il publie les onze parties de la Vie de Marianne, et en 1734, le Paysan parvenu.

À la mort de Mme de Lambert, en 1733, Marivaux fréquente un autre salon, celui de Mme de Tencin. Sa notoriété et ses appuis lui valent d'être élu à l'Académie française, en 1742, contre un rival nommé Voltaire. Durant les vingt dernières années de sa vie, il publie encore quelques comédies, qui ne sont pas représentées, prononce et publie divers discours à l'Académie, essais qui traitent de questions morales et littéraires avec une certaine distance à l'égard de la nouvelle génération des «philosophes». Lorsqu’il s'éteint, en 1763, à l'âge de soixante-quinze ans, les subtilités du marivaudage ne conviennent plus à un siècle qui se tourne alors vers le sentimentalisme du drame bourgeois, le scepticisme du roman libertin, le retour à la nature et le militantisme politique.


La pièce :

L’intrigue :

Silvia redoute le mariage. À la veille de rencontrer son fiancé, elle obtient de son père la possibilité de tenter une expérience : afin d'observer le jeune homme à loisir, et de le choisir librement, elle changera d'identité avec sa servante Lisette, à qui elle emprunte son costume. Monsieur Orgon, le père, accepte l'aventure. Mais il sait que, de l'autre côté, Dorante a éprouvé lui aussi ce besoin, et qu'il aura lui aussi changé d'identité avec son valet Arlequin. Tout en s'observant, les jeunes gens rivalisent de maladresse pour interpréter correctement leurs fonctions de domestiques, tandis que les valets se complaisent dans leurs rôles (et se plaisent mutuellement) : chacun conserve son langage et ses manières. S'ensuivent évidemment un nombre considérable de situations insensées, de doutes personnels, de problèmes sociaux éventuels, et d'épreuves burlesques où les deux jeunes gens risquent de se perdre, sous le regard complice du père et du frère de Silvia. Il faudra aux deux jeunes gens beaucoup d'amour pour aller au bout du jeu et triompher des hasards dans lesquels ils se sont jetés. Souffrant d'éprouver des sentiments qu'il ne peut exprimer, Dorante avoue finalement son identité à Silvia qui, elle, pousse le jeu jusqu'à son terme : elle décide de mettre à l'épreuve la véracité des sentiments de son prétendant en excitant sa jalousie. Dorante accepte alors d'épouser la prétendue soubrette, dévoilant ainsi son mépris des préjugés de classe. Une fois les masques tombés, chacun retrouve son rôle et sa condition d'origine.

Analyse :

Subtil jeu de masques construit sur un système de duperie, où le comique naît des quiproquos et des malentendus, le Jeu de l'amour et du hasard explore l'univers du faux-semblant, les contradictions du cœur et de la classe sociale, et révèle le rêve tacite d'élévation de la condition domestique. La virtuosité, subtile et gracieuse, de ces situations symétriques a conquis un large public. Le Jeu de l'amour et du hasard marque l'apogée de la carrière littéraire de Marivaux, exclusivement consacrée à l'exploration de l'amour.

Le travestissement :

Le jeu repose sur le déguisement maître et valet ; le masque est donc une des composantes essentielles de la pièce puisque quatre personnages sur six sont déguisés. Les personnages se travestissent au début du premier acte et il faut attendre la fin du troisième acte pour voir tous les masques tomber. Un tel procédé est riche de quiproquos et de rebondissements comiques. Le masque sert à percer la vérité de l’autre. L’amour est ici confronté aux préjugés sociaux et à l’exigence de vérité des sentiments. L’ambiguïté des personnages rend l’intrigue subtile : chacun est une énigme pour l’autre, d’où les multiples doutes et interrogations.

La relation maître et valet :

L’échange des rôles entre maîtres et serviteurs va temporairement bousculer la définition de l’échelle sociale et donner à réfléchir sur les valeurs et la signification qu’on y attache. Ainsi le déguisement n’est pas seulement une « ficelle théâtrale », il laisse à réfléchir sur la société inégalitaire de l’Ancien Régime.

Le marivaudage :


Les héros, prisonniers de leur éducation, de leurs préjugés, peinent à s’avouer et à avouer leur amour. Libres de choisir ceux auxquels ils vont lier leur destin, ils hésitent, tergiversent. Héritier du courant précieux, le marivaudage désigne une manière d’exprimer avec raffinement les sentiments amoureux : le langage galant est l’instrument privilégié du cœur. Le spectateur détient les informations que les personnages n’ont pas et s’amuse à voir ceux-ci se débattre dans leurs contradictions. Le dénouement heureux fait triompher l’amour. Quiproquos et mots d’esprit abondent. En cela, cette pièce témoigne du goût du siècle des Lumières pour l’art de la conversation.


Le comique :

Le comique de caractère :

Il naît de la bêtise des valets et de la parodie de leurs maîtres. Le décalage entre leur habit aristocratique et leurs propos provoque un effet burlesque. Ils ne font que singer les manières et le langage précieux.

Le comique de situation :

La seconde forme de comique naît des quiproquos et des malentendus. Le travestissement des personnages est le principal ressort comique de la pièce.

La scène qui présente le plus bel exemple de malentendu est celle du double aveu de Lisette et d’Arlequin. Les deux valets, sermonnés par leurs maîtres respectifs sont dans l’obligation de révéler à l’autre qui ils sont. Mais ils ne se pressent pas de dire qu’ils sont seulement des valets car ils craignent de perdre l’amour de leur partenaire qu’ils croient noble. Chaque personnage est alors trompeur et trompé et le sel du dialogue tient au retard apporté à la confession de chacun. Aucun des deux ne peut comprendre pourquoi l’autre devient si modeste et nie tous ses mérites. Le malentendu s’aggrave encore lorsque Lisette, se doutant de quelque chose somme Arlequin de lui dire qui il est et n’obtient pas de réponse.

L’étonnement feint de Mario de ne rien savoir lorsque Silvia lui annonce la supercherie ne peut que faire sourire.

Le comique verbal :

Ce comique traditionnel repose sur les jeux du langage, nombreux et variés :

* héritières de la farce, les injures : « maraud », « butor », « vertuchou » ;

* Arlequin profite du déguisement pour se moquer de son maître : «Ah, les sottes gens que nos gens !» ;

* pour ne pas avouer la bassesse de sa situation, Arlequin emploie l’expression « soldat d’antichambre ».

Le comique de geste :

La quatrième forme de comique repose essentiellement sur la mise en scène qui a accentué le ridicule des valets. Leur inadéquation à la condition aristocratique prête à rire. L’exemple le plus marquant est la scène de séduction avec notamment la banane. Lisette se pavane avec des plumes. Arlequin propose même à son maître de le bastonner.


La mise en scène :


Entre tradition et modernité :


Xavier Lemaire a réalisé une mise en scène comique, vivante, agréable à regarder. Le spectacle est empreint de fantaisie et de mouvement. On ne s’ennuie pas une seconde.

La scène ne respecte pas l’unité de lieu puisque se succèdent tour à tour la chambre de Silvia, le salon de réception de M. Orgon et la cuisine.

Les costumes sont relativement classiques à l’exception de ceux des valets : celui d’Arlequin, en particulier, au lieu de lui donner un maintien aristocratique renforce son ridicule, il en est de même pour Lisette.


Les acteurs :


On sent que leur rôle leur plaît et qu’ils mettent tout leur cœur à interpréter leur personnage. Le travail de la diction est intéressant : on comprend bien les répliques de chaque comédien. Ce qui est étonnant c’est que même déguisés, les nobles gardent un certain maintien et une fierté qui les distingue du peuple tandis que les valets gardent leurs manières stupides. C’est en cela que le jeu des acteurs est intéressant. Ils mettent en avant l’aspect psychologique des personnages.


Mimesis :

La direction des acteurs et l'agencement des éléments visuels et sonores du spectacle scénique reposent sur des choix esthétiques adaptés à la pièce.

La mise en scène est plutôt originale. Les qualités de spectacle tiennent surtout au divertissement.


Catharsis :

Le spectacle correspond bien à l’esprit d’une comédie des Lumières. La pièce fut jouée pour la première fois par les comédiens-italiens le 23 janvier 1730. Ils allient la tradition de la commedia dell’arte (improvisation, jeux de scène, personnages types comme le valet Arlequin…) avec la convention et la nouveauté du répertoire de Marivaux. Le spectacle pose le rôle cruel des apparences sociales, dans un jeu de dupes où chacun est trompé, y compris soi-même, la sincérité du sentiment amoureux et la relation maître et valet.

Le spectateur est séduit par la mise en scène.


L’esthétique :

L’esthétique du spectacle est en correspondance avec le texte, même si le metteur en scène n’a pas respecté la règle de bienséance, codifiée par l’Académie française (notamment dans la première scène où l’on voit Silvia légèrement vêtue).


Impressions personnelles :

Le spectacle m’a plu ; il a parfaitement répondu à mes attentes. Je connaissais déjà l’intrigue et la mise en scène m’a fait voir le texte sous un angle nouveau. J’ai trouvé le jeu des domestiques particulièrement comique.

Conclusion :

« Ce classique des classiques est d’un modernisme à toute épreuve. […] C’est dans le contraste du léger et de l’intense que naissent les meilleures comédies.» Xavier Lemaire.








Les sorties au Théâtre du ROND-POINT : mise à jour du dossier en cours

Articles prochainement en ligne :

LE COURRIER DU SPECTATEUR : Les Diablogues, Les Enchaînés, Du Vent ... des Fantômes.
Le dossier pédagogique des Diablogues de Roland Dubillard
Un article sur l'art contemporain et l'univers de Jean-Michel Ribes ("Le rire de résistance")

jeudi 3 janvier 2008

Bonne et heureuse année 2008 aux spectateurs de l'Association Culturelle de l'ENC, aux artistes et aux théâtres qui nous ont accueillis !

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DOSSIER (avec les comptes-rendus des dossiers des élèves) : Fantasio de Musset au Théâtre Le Ranelagh les 18 et 20 septembre 2007


« Et vous les jeunes, vous êtes-vous reconnus ? » (question posée par Stéphanie Tesson, metteur en scène de Fantasio aux élèves de l'ENC au cours du débat qui a suivi chaque représentation)


Afin d'engager un échange amical entre spectateurs et (pourquoi pas ?) un dialogue avec les artistes et les responsables de théâtre, envoyez vos impressions et critiques (constructives) sur les spectacles que vous avez vus à cette adresse afin que vos articles puissent être mis en ligne à la rubrique COURRIER DES SPECTATEURS DE l'ENC : loquet.blomet@hotmail.fr


cf. LE DEBAT DE LA TROUPE DE FANTASIO AVEC LES ELEVES


Fantasio, Musset, 1833 : une pièce de jeunesse, l'année de 2 pièces importantes : Les Caprices de Marianne et Lorenzaccio. Entre les deux, Fantasio : Musset a 22 ans.


Fantasio, une fantaisie, un intermezzo? un intermède facétieux ?


Fantasio : un héros ou un bouffon? un autoportrait de l'auteur en poète et en bouffon?


Non, il n'est pas un prince déguisé en bouffon, mais “un bourgeois de Munich”, passible, qui plus est, de la prison pour dettes et poursuivi par ses créanciers [...] Une absence, pour finir, qui résume tout ce qui vient de se passer sur le théâtre: l'absence définitive de héros pour conclure une évanescence de la pièce. Elsbeth laisse la porte ouverte, et Fantasio s'esquive, s'efface, disparaît on ne sait trop où.”(préface de Fantasio, Frank Lestringant)


Fantasio de Musset au Théâtre Le Ranelagh les 18 et 20 septembre 2007 (durée du spectacle : 1 h 30)

Décor : un jardin, un palais, une prison.

Personnages : un prince, une princesse, un bouffon.

8 comédiens, 2 metteurs en scène.

Une aventure de troupe (2 ans sur les routes de France).

Au théâtre le Ranelagh : “le bois résonne” (visites organisées une heure avant les spectacles : origine, histoire du théâtre et du quartier).


L'ironie dans Fantasio n'a pas le dernier mot. La pièce ouvre aussi bien sur son contraire, l'esprit d'enfance et une indéfectible propension à l'émerveillement. C'est alors à se demander si le sarcasme n'est pas appelé à tempérer ce songe fragile, et à prévenir la désillusion du réveil. L'ironie, ce serait en définitive, le moyen de consoler en chaque adulte l'enfant qui continue de sommeiller et de rêver en lui.

-- Alors Fantasio, une “comédie” comme l'indique le sous-titre ? En fait, une “illusion comique”, sur le modèle de Corneille, c'est-à-dire une réflexion sur le théâtre, mais repeinte aux couleurs d'un romantisme narquois et transfigurée par la magie conjuguée de Shakespeare, de Galland et d'Hoffmann. D'où l'état d'apesanteur où baigne la pièce : plutôt même qu'une illusion comique, une illusion magique. Il n'y a pas trop de la magie pour rendre supportable le désenchantement du monde.” Frank Lestringant, préface de Fantasio (Folio Théâtre)


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DOSSIER DE PRESSE :


DOSSIER DE PRESSE du Théâtre Le Ranelagh


Fantasio, Musset du 17 septembre au 17 novembre au Théâtre Le Ranelagh.


avec Nicolas VAUDE, Sarah CAPONY, Jean-Michel KINDT, Maxime LOMBARD, Frédéric LONGBOIS, Olivier FOUBERT, Mathias MARECHAL, Sébastien PEPIN.


Mise en scène de Stéphanie TESSON assistée de Charlotte RONDELEZ.


Lumières : Philippe MATHIEU – Costumes : Angéla SERALINE.

Décor : Olivier BALAIS.

Maquillages : Stéphanie AZNAREZ.

Musiques : Frédéric OZANNE.


Pris par le mal du siècle, Fantasio, dandy passé maître dans l'art de l'oisiveté, se débat contre la morne réalité qui l'environne. Pour échapper à sa lassitude et à ses créanciers, il s'engage comme bouffon à la cour de Bavière, où se prépare le mariage politique de la princesse Elsbeth avec le prince de Mantoue...


Fantasio, un nom frère de de la « Fantaisie », cette fée si chère aux âmes avides d'une autre réalité, celle que sait encore nous offrir le théâtre.

Une réalité composée de légèreté, d'humour et de poésie et reposant sur le seul principe de liberté. Fantasio est un puzzle composé de pièces multiples, un habit d'Arlequin taillé dans l'étoffe d'une imagination prodigue, un étrange objet, rarement porté à la scène.

Ce frère effronté de Musset parle un langage qui ressemble beaucoup à celui de nos jeunes générations : à l'aube d'un siècle nouveau, il se sent l'héritier usé d'une Histoire lourde, en même temps que le détenteur d'un avenir incertain.


« Le spectacle dans sa simplicité nous donne à entendre le désespoir d'un homme qui travestit son chagrin en fantaisie.[...] Nicolas Vaude, étrange, insolent, vif, nous convainc dans le rire comme dans le chagrin [...] On sent un esprit libre qui livre ses quatre vérités et dont le persiflage vise juste ». LE FIGARO


« Dans cette ronde de marionnettes qu'est le monde, il faut apprendre à être soi, nous souffle Musset. Et sur cette scène qu'est le théâtre, tous les acteurs sont formidables. A commencer par Nicolas Vaude (dans Fantasio, un double de l'auteur?), vif-argent et insolent comme Musset devait l'être) ». OUEST-FRANCE


« Une mise en scène discrète qui laisse toute la place au jeu des acteurs et à la lumière. Nicolas Vaude excelle dans l' interprétation de ce personnage d'Alfred de Musset totalement affranchi... L'immense liberté de Fantasio nous donne l'illusion, le temps d'une représentation théâtrale, qu'on peut s'inventer un autre monde, incoryablement léger. Tout cela est joliment porté par les comédiens, tous talentueux. » L'ALSACE


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LECTURE DE LA PIECE DE MUSSET : préface de Frank Lestringant (Folio Théâtre)


Fantasio, Musset, 1833 : une pièce de jeunesse, l'année de 2 pièces importantes de Musset : Les Caprices de Marianne et Lorenzaccio. Entre les deux, Fantasio : Musset a 22 ans.


Fantasio, une fantaisie, Un intermezzo? Un divertissement entre deux pièces plus graves, à l'issue sanglante, Les Caprices de Marianne et Lorenzaccio, fruits de cette même année 1833, la plus féconde de toutes celles de Musset, l'annus mirabilis d'un poète prodige alors âgé de vingt-deux ans ? De l'intermède facétieux Fantasio a le titre, le ton de légèreté et de féerie, l'intrigue tout juste ébauchée. Ce qui frappe à première vue, en effet, c'est la déconcertante facilité, l'apparence de gratuité et le goût du nonsense : Fantasio, un simple “bourgeois de Munich” vaguement bohême et légèrement débauché, en proie, de surcroît, à une insondable mélancolie, est menacé de la prison pour dettes. Dans le même temps la princesse Elsbeth, fille du Roi de Bavière, est fiancée au Prince de Mantoue, un imbécile couronné. Ainsi le veulent la raison d'Etat et le maintien de la paix entre les peuples. Sur ces entrefaites, Saint-Jean, le bouffon du Roi, qui vient de mourir, est porté en terre. Par désoeuvrement et aussi pour échapper à ses créanciers, Fantasio, sur un coup de tête, décide de prendre sa place...”


Fantasio : un héros ou un bouffon? un autoportrait de l'auteur en poète et en bouffon?


Qu'on ne s'y trompe pas pourtant : la fantaisie de Fantasio a aussi un sens plus sombre. Le paysage de fantaisie de cette Bavière d'opérette n'empêche ni le chagrin ni le mal de vivre. Funambule et bouffon, le héros déchaîne toutes les puissances de l'imagination, cette Fantasie hoffmanienne qui donne sur les régions les plus inquiétantes de l'âme et qui a toutes les apparences de la folie. Du reste, son soliloque presque ininterrompu, quelque spirituel et gracieux qu'il soit, révèle un étrange et douloureux autisme. Fantasio, en vérité, témoigne d'une crise à la fois personnelle et collective. En ce sens, c'est la première pièce politique de Musset, juste avant Lorenzaccio composé dans les mêmes mois d'été et d'automne 1833. [...] De fait, Fantasio s'inspire de l'actualité politique la plus brûlante. La princesse aux yeux bleus de Fantasio, promis au stupide prince de Mantoue, a pour modèle, comme Gustave Lanson l'a montré*, Louise-Marie d'Orléans, fille aînée du roi Louis-Philippe, qui épousa le 9 août 1832, à l'âge de vingt ans, le roi des Belges, Léopold Ier de Saxe-Cobourg, un quadragénaire flegmatique et guindé. Louise avait versé de justes larmes et Louis-Philippe, en père compatissant, lui avait proposé de rompre le mariage, mais la raison d'Etat l'avait emporté. Louise quittait à regret la France, mais elle joua par la suite très dignement son rôle et fut une reine très aimée de son peuple.

* Gustave Lanson, “Mariage de princesse”, Revue de Paris, 1er mars 1913, p. 32-46.

[...]

On a supposé un commencement d'idylle entre Alfred de Musset et la princesse Louise. Louise avait dix-neuf ans, Alfred vingt. Le bon écart. Condisciple au collège Henri-IV de Ferdinand-Philippe, fils aîné de Louis-Philippe et futur duc d'Orléans, Musset se trouva tout naturellement introduit dans la famille royale. Il était invité les jours de congé au château de Neuilly, ou dans les salons du Palais-Royal. Les adolescents jouaient aux barres, mais Musset préférait la danse, aux bras des princesses Louise et Marie, sa soeur cadette. A cette inclination demeurée platonique se rattacheraient, dans l'oeuvre de Musset, le “Sonnet à Madame XXX” commençant par le vers “Jeune ange aux doux regards, à la douce parole”, une tirade de la jeune Ninon dans la comédie A quoi rêvent les junes filles, le Roman par lettres, La Quittance du Diable, La Nuit vénitienne et bien sûr Fantasio.


Politique, Fantasio ne l'est pas seulement par les circonstances, mais aussi par l'action et la conclusion. Cynique, impur, souillé, le héros parvient à se racheter et à se justifier par un acte, tout à la fois chevaleresque et dérisoire. Du même coup, comme l'a noté Henri Lefebvre, il passe d'un extrême à l'autre, de l'obscurité à la lumière, de l'abjection à l'héroïsme et du mensonge à la vérité. “Ce sont déjà les contenus et les thèmes de Lorenzaccio, sous le masque de la boufonnerie lyrique, et avec légèreté, fantaisie.”* Ajoutons toutefois ici et là une même conclusion pessimiste. L'engagement de Lorenzaccio en faveur de la cause républicaine signe son propre arrêt de mort et n'aboutit qu'à établir une autre tyrannie. Celui de Fantasio réussit sans doute au-delà de toute espérance : il met en fuite le prétendant ridicule et sauve l'innocente victime. Ou comme il le dit lui-même en termes cavaliers : “ainsi la princesse reste fille, du moins pour cette fois.” (II, 7) Mais le prix à payer est lourd : la guerre est déclarée, et la liberté d'une jeune femme compense mal les souffrances prévisibles de tout un peuple, voire de deux peuples affrontés pour un motif des plus futiles, le vol d'une perruque au bout d'un hameçon. On ne saurait mieux dire le scepticisme de l'auteur”...

*Henri Lefebvre, Alfred de Musset dramaturge, Paris, L'Arche, 1955.


Fantasio : un héros ou un bouffon? un autoportrait de l'auteur en poète et en bouffon?


Non, il n'est pas un prince déguisé en bouffon, mais “un bourgeois de Munich”, passible, qui plus est, de la prison pour dettes et poursuivi par ses créanciers [...] Une absence, pour finir, qui résume tout ce qui vient de se passer sur le théâtre: l'absence définitive de héros pour conclure une évanescence de la pièce. Elsbeth laisse la porte ouverte, et Fantasio s'esquive, s'efface, disparaît on ne sait trop où.”


L'ironie dans Fantasio n'a pas le dernier mot. La pièce ouvre aussi bien sur son contraire, l'esprit d'enfance et une indéfectible propension à l'émerveillement. C'est alors à se demander si le sarcasme n'est pas appelé à tempérer ce songe fragile, et à prévenir la désillusion du réveil. L'ironie, ce serait en définitive, le moyen de consoler en chaque adulte l'enfant qui continue de sommeiller et de rêver en lui.

-- Alors Fantasio, une “comédie” comme l'indique le sous-titre ? En fait, une “illusion comique”, sur le modèle de Corneille, c'est-à-dire une réflexion su le théâtre, mais repeinte aux couleurs d'un romantisme narquois et transfigurée par la magie conjuguée de Shakespeare, de Galland et d'Hoffmann. D'où l'état d'apesanteur où baigne la pièce : plutôt même qu'une illusion comique, une illusion magique. Il n'y a pas trop de la magie pour rendre supportable le désenchantement du monde.”


Frank Lestringant, préface de Fantasio (Folio Théâtre)


En ligne prochainement : les comptes-rendus des conférences du lundi au Ranelagh sur Musset et Fantasio

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COURRIER DU SPECTATEUR : « Et vous les jeunes, vous êtes-vous reconnus ? » (question posée par Stéphanie Tesson aux élèves de l'ENC )


Afin d'engager un échange amical entre spectateurs et (pourquoi pas ?) un dialogue avec les artistes et les responsables de théâtre, envoyez vos impressions et critiques (constructives) sur les spectacles que vous avez vus à cette adresse afin que vos articles puissent être mis en ligne à la rubrique COURRIER DES SPECTATEURS DE l'ENC : loquet.blomet@hotmail.fr


Fantasio de Musset, dans une mise en scène de Stéphanie TESSON, en ce début de saison théâtrale, ce n'était pas un hasard...


Ces voeux et ce premier spectacle dédiés à la magie du théâtre et à la jeunesse pour qu'elle garde en mémoire ce « petit prince » de l'imaginaire incarné par Nicolas VAUDE qui, à l'aube du siècle romantique, « se sent l'héritier usé d'une Histoire lourde, en même temps que le détenteur d'un avenir incertain » !


"c'est l'histoire du siècle entier", Fantasio, Musset (Spark, Acte I, scène 2).


« Ce frère effronté de Musset parle un langage qui ressemble beaucoup à celui de nos jeunes générations : à l'aube d'un siècle nouveau, il se sent l'héritier usé d'une Histoire lourde, en même temps que le détenteur d'un avenir incertain » (le dossier de presse du Théâtre Le Ranelagh )


LE DEBAT DE LA TROUPE DE FANTASIO AVEC LES ELEVES :


Avez-vous le trac ? Comment vaincre le trac ?


Comment vous êtes-vous préparés à cette représentation de la pièce de Musset ?


Avez-vous senti une évolution dans votre jeu au fil des représentations ?


Comment l’idée de faire interpréter deux personnages différents (le roi et la gouvernante) par le même comédien vous est-elle venue ?


N’est-il pas difficile pour vous d’être la seule femme ? (question posée à Sarah CAPONY: Elsbeth, la jeune première)

Où trouvez-vous cette colère ? (question posée à Frédéric LONGBOIS, le Prince de Mantoue)

Une synthèse des premières réactions des élèves de classes de 1ères et des Options Théâtre qui ont beaucoup apprécié le spectacle : ils ont été particulièrement sensibles au charme du théâtre « à la française », à l’accueil qui leur a été réservé, à la qualité du spectacle et à la disponibilité du metteur en scène et des comédiens qui les ont invités à débattre avec eux à la fin de chaque représentation.

« J'ai aimé » :


"Car l'histoire nous concerne nous les jeunes : Fantasio se pose des questions sur sa vie, sur sa place dans la société".

Le fait de pouvoir rester discuter avec les acteurs était une très bonne idée, j'ai trouvé cela intéressant.

Un très beau texte, bien interprété.

« J'ai bien aimé cette pièce, le texte, profond et à la fois parfois comique. De plus, la mise en scène était remarquable, le décor complet et vivant, les costumes très travaillés, les acteurs très impliqués. »

« Le metteur en scène a rendu la pièce intemporelle. Les acteurs sont vivants et donnent beaucoup de personnalité aux personnages. De plus, le texte est très beau. »

« L'histoire de la pièce, simple et drôle. L'implication des acteurs dans leurs propres rôles, magnifiquement joués. »

La mise en scène, le jeu des acteurs, l'histoire. J'ai trouvé que le rôle de Fantasio était très bien joué, vivant, amusant. L'ensemble de la pièce est très bien et le dénouement inattendu. J'ai aimé aussi le fait que les acteurs, au début, passent au milieu des spectateurs, par les entrées et les sorties.

"Le texte dans son ensemble (moins les envolées romantiques, le "mal du siècle" de Fantasio), c'est-à-dire les descriptions recherchées ("visage voilé de mélancolie"), le jeu des acteurs, la diction était bonne, l son de la voix assez fort, les expressions de visage, les "mimiques" très justes et amusantes, juste ce qu'il faut, le décor, bien, pas trop chargé mais suffisamment explicatif (sauf la quasi-totale présence du cercueil sur scène)."

Bons acteurs (voix forte, pas d'oubli de texte apparent).

J'ai aimé le théâtre: une acoustique remarquable, des bois sculptés, un lieu enchanteur. J'ai aimé Fantasio, l'interprétation du personnage, les jeux de lumières...

La complicité entre les acteurs, dans leur jeu, ce qui rend la pièce conviviale.

Le texte beau, surtout lorsque Fantasio échange ses pensées avec un ami au début de la pièce puis également l'humour lors des dialogues entre Fantasio et la princesse. Fantasio était juste, émouvant et drôle.

« plongé dans un abîme de perplexité » : je connaissais cette réplique depuis longtemps mais je n'aurais pas su dire de quelle pièce elle était tirée.

Les vers de l'ami de Fantasio et la récitation du « clocher jauni avec la lune comme un point sur un i ».

Je me suis sentie privilégiée de pouvoir voir cette belle pièce prendre vie.

Parce qu'elle était assez drôle.

Les mimiques de Fantasio, ses expressions. Les dialogues n'étaient pas trop compliqués et très compréhensibles.

Les acteurs jouaient très bien, même très bien pour Fantasio, le roi qui est la bonne et Spark.

Les acteurs étaient merveilleux.

Les rôles sont très bien distribués et tous très bien interprétés. Le fait de les faire passer par la salle crée une complicité avec nous.

La manière dont jouait Nicolas Vaude.

Nicolas Vaude m'a fait beaucoup rire.

Car j'ai été très touchée par le jeu de scène de Nicolas Vaude dans le rôle de Fantasio.

Un homme joue la gouvernante: c'était original et amusant.

La mélancolie de la princesse, qui se comprend parfaitement à l'aube de son mariage forcé.

Le lieu : le théâtre du Ranelagh (une ambiance chaleureuse).

Le théâtre était très accueillant, très convivial.

Le théâtre est magnifique et très bien meublé.

Nous étions très bien placés, ce qui m'a permis de très bien voir la scène.

J'ai beaucoup aimé le théâtre, la salle et le foyer étaient très agréables.

La salle n'est pas très grande et je trouve cela beaucoup mieux.

Les costumes étaient beaux et bien d'époque.

Costumes très beaux ( manteau du roi, robes de la princesse).

Décor assez original (petite grille pour représenter la prison).

Les anachronismes de la mise en scène.

Un arbre pour principal décor.

Le décor pour enclencher et clôturer la pièce : cet arbre âgé, ses racines et ses recoins ; les personnages se nichent à son pied, pour se cacher, pleurer ou méditer; la fause brume derrière ce même arbre.


« J'ai aimé la mise en scène, les décors, les personnages et les dialogues. De plus, la salle était très belle et agréable. Il y avait une bonne ambiance. J'ai beaucoup apprécié les personnages car la majorité étaient jeunes et interprétés par des acteurs jeunes. De plus, le texte de Musset est très facile à comprendre et mêlait tragique et comique. Les acteurs adoptaient un bon rythme dans l'émission de leurs répliques. J'ai trouvé que l'acteur qui jouait Fantasio le rendait attachant.»


« Cette sortie théâtrale m'a été très enrichissante. Ca a été pour moi un baptême, je n'avais encore jamais lu ou entendu la moindre création d'Alfred de Musset. La mise en scène m'a réellement plu, avec des acteurs dynamiques et faisant preuve d'un certain talent. J'ai trouvé la double fonction de certains personnages très originale. Etant au dernier rang, j'ai eu l'impression d'être plongé dans l'histoire, d'être un acteur invisible comme si j'avais été sur scène ».

"Je ne connaissais pas cette pièce de Musset et j'ai pu la découvrir de façon très agréable dans le théâtre Le Ranelagh. J'ai beaucoup apprécié le texte lui-même, surtout le début et le milieu de la pièce, lors du passage où Spark récite une célèbre poésie du Musset, notamment. La relation entr Fantasio et Spark est très intéressante et riche, puisqu'il me semble que durant leur longue scène ensemble, Musset fait une véritable introspection sur lui-même par le biais de ces deux personnages. Les comédiens semblaient véritablement satisfaits de jouer cette pièce tour à tour drôle et grave, et nous, les spectateurs ne pouvions qu'en tirer plus de plaisir."

« Je n'ai pas aimé » :


Ma place au fond.

Le début est déroutant: on ne voit pas bien sur quoi on part, puis l'histoire prend forme.

L'arrivée des acteurs par l'allée centrale car ça nous ramène à la réalité d'entendre du bruit, de se retourner par réflexe et de voir les spectateurs.

Certaines scènes étaient un peu longues.

L'intrigue avait parfois des longueurs : le contraste entre les moments riches en rebondissements et les moments où les personnages étaient perplexes et où il se passait peu de choses était étonnant.

J'ai moins aimé le début de la pièce, un peu lent et long.

La longueur de certaines tirades, qui ont tendance à faire décrocher l'attention.

J'ai quand même été un peu déçue par les décors qui étaient toujours les mêmes, bien qu'ils soient réussis.

Le décor est déroutant : il y avait trop peu de différence entre les lieux. Des fois je n'arrivais pas à comprendre si l'on était au palais ou au jardin, par exemple.

Le seul décor qui m'a un peu déçue était la représentation de la prison à la fin de la pièce, mais en y réfléchissant, je ne sais pas comment on aurait pu la représenter autrement.

L'interaction entre le valet et le vrai prince de Mantoue que j'ai eu du mal à comprendre.

L'ouverture du cercueil qui m'a fait froid dans le dos.

La mise en scène du cercueil (têtes dans le cercueil).

Un petit peu trop de fumée au début de la pièce.

La chaleur insoutenable du théâtre.

La chaleur étouffante : nous étions serrés les uns contre les autres, ce qui empêchait une totale concentration sur la pièce.

Les sièges du théâtre.


Afin d'engager un échange amical entre spectateurs et (pourquoi pas ?) un dialogue avec les artistes et les responsables de théâtre, envoyez vos impressions et critiques (constructives) sur les spectacles que vous avez vus à cette adresse afin que vos articles puissent être mis en ligne à la rubrique COURRIER DES SPECTATEURS DE l'ENC : loquet.blomet@hotmail.fr


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Prochainement en ligne : un compte-rendu des dossiers de 1ère et de 2de sur Fantasio, de la CONFERENCE SUR MUSSET, une grille d'analyse des spectacles...


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Rappel : les références savantes de Fantasio :

Dans les répliques d'Elsbeth et de sa gouvernante :

Qu’est-ce qu’un Amadis ?

"En vérité ? on m'avait dit que c'était un Amadis.

Je ne demandais pas un Amadis, ma chère" (Acte II, scène 1)

Héros du roman de chevalerie espagnol, Amadis de Gaule de Garcia Rodriguez de Montalvo (1508), qui connut un succès européen pendant toute la Renaissance, notamment en France grâce à la traduction de Nicolas Herberay des Essarts, Amadis définit le modèle de la courtoisie amoureuse:il est le type du chevalier accompli. L'influence d'Amadis est encore très nette dans L'Astrée d'Honoré d'Urfé et dans Le Grand Cyrus de Madeleine de Scudéry. Après une période de disgrâce et d'oubli *, on redécouvre "les Amadis" (le roman d'Amadis et ses nombreuses suites dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, au moment où la chevalerie revient à la mode. la Gouvernante a dû lire la version courte publiée dans la Bibliothèque universelle des romans (t. VII, 1778). Elle a pu en voir également une adaptation théâtrale. Dès 1779, un Amadis est donné à l'Opéra de Paris. La vogue nouvelle d'Amadis relève du style troubadour, que Musset parodie dans le second acte de Fantasio.

* Pris pour modèle par Don Quichotte, il est souvent parodié à la suite de Cervantes comme l'incarnation d'un idéal impossible à atteindre : le besoin de merveilleux et de romanesque dont la gouvernante est l'expression dans Fantasio se trouve contaminé par la dérision moderne dont le héros éponyme pourrait être une des figures emblématiques.

Dans les répliques de la gouvernante :

Un Triboulet ?

"C'était un vrai Triboulet" (Acte II, scène 1)

Triboulet était le nom du fou de Louis XII et de François Ier, mis en scène par Rabelais dans le Tiers Livre. C'est lui qui donne à Panurge le mot de la bouteille. Mais Triboulet est surtout le bouffon pathétique du Roi s'amuse de Victor Hugo (novembre 1892), dont Verdi fera Rigoletto. Placée dans la bouche de la Gouvernante, cette référence au drame de Hugo devient du même coup ironique.*

Qui est Jepthé ?

"Seigneur, est-il possible que ce mariage se fasse, s'il vous déplaît? Un père sacrifier sa fille! le roi serait un véritable Jephté, s'il le faisait." (Acte II, scène 1)

Juge d'Israël, il avait promis à l'Eternel, en cas de victoire, de lui sacrifier en holocauste la première personne qui sortirait de sa maison à son retour: ce fut sa fille. Il honora sa promesse (Juges, XI, 29-40). Vigny, après Byron, a consacré un poème à La Fille de Jephté qui serait en quelque sorte la version hébraïque d'Iphigénie, la tragédie inspirée d'un épisode de la guerre de Troie.

Qu’est-ce qu’un Almaviva ?

Le Comte Almaviva courtise Rosine enfermée par Bartholo dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais.

Qui est Lindor ?

Le comte Almaviva, aidé de Figaro, cherche à s'introduire dans la maison de Bartholo : il prend le nom de Lindor et se fait passer pour le maître de musique de la jeune fille.

Dans les répliques d’Elsbeth :

Qui est Psyché ?

"Psyché, prends garde à ta goutte d'huile." (Acte II, scène 7)

Psyché (l'Ame)curieuse de voir son amant Eros, l'Amour, qui le lui avait pourtant interdit, laissa tomber une goutte d'huile de sa lampe sur le bel endormi. Celui-ci s'éveilla et s'enfuit aussitôt. Le mythe d'Eros et Psyché est raconté par Apulée dans L'Ane d'or et par La Fontaine dans Amours de Psyché et de Cupidon.

Dans les répliques de Fantasio :

Quelle est l’histoire d’Eschyle et de la tortue ?

"le hasard a laissé tomber une couronne sur la tête, comme l'aigle d'Eschyle sa tortue" (Acte II, scène 7) Selon la légende, le poète tragique grac Eschyle aurait été tué par une carapace de tortue lâchée par un aigle au-dessus de son crâne chauve.