du 10 janvier au 23 février 2008
du mercredi au vendredi à 20h30
samedi à 17h et 21h dimanche à 15h
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MARIVAUX –
Le Jeu de l'amour et du hasard, 1730. Comédie en trois actes de Marivaux mise en scène par Xavier Lemaire au Théâtre Moufetard (2008). Le théâtre du XVIIIème siècle : un théâtre de situation.
1720 – Arlequin poli par l'amour : 1er succès (influence de la Commedia dell'arte).
1725 – L'île des esclaves : comédie philosophique (la relation maître et valet : le travestissement et l'inversion des rôles).
1729 – La Nouvelle colonie.
1732 – Le Triomphe de l'amour.
DOSSIER PEDAGOGIQUE DU SPECTACLE
RESUME DE LA PIECE
Monsieur Orgon a convenu de marier sa fille Silvia, à Dorante, fils d’un de ses meilleurs amis. Celui-ci est attendu au château, afin de rencontrer la belle.
Silvia, fille libre d’esprit n’est pas contre ce mariage, mais demande à son père de tester son futur, en prenant le rôle et les habits de sa soubrette, Lisette…
Monsieur Orgon accepte la supercherie et s’en amuse avec son fils Mario, d’autant plus, qu’une lettre de son ami l’avertit que Dorante veut lui aussi tester Silvia, et a décidé de prendre les habits de son valet Arlequin…le piège est tendu et de jeux de dupes en aveux, l’amour et le hasard vont triompher !
NOTE DE MISE EN SCENE
XAVIER LEMAIRE, POURQUOI CHOISIR DE METTRE EN SCENE LE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD ?
Depuis que je fais des mises en scène, j'ai monté dix-sept pièces d’auteurs contemporains, vivants et un classique L’épreuve de Marivaux justement…
Il est passionnant pour moi de marquer une parenthèse avec un autre classique : ces pièces qui, imprimées par le génie de leur auteur, ont traversé les âges, les modes, les courants, et s’adaptent à chaque époque !
Et de nouveau Marivaux, car c’est un théâtre qui bien que classique est d’un modernisme à toute épreuve, c’est un théâtre fertile aux brios des acteurs, aux jeux ambigus des émotions, qui naviguent entre chair et esprit dans un contexte social prégnant, avec un humour dévastateur.
QUELLES QUALITES VOUS INSPIRENT MARIVAUX ?
Dans ce théâtre, la fantaisie, l'imaginaire, l'énergie des interprètes excellent ! Ce n'est pas par hasard si Marivaux écrivait essentiellement pour les comédiens italiens, comédiens généreux, plein de faconde et d’esprit.
Son texte est un feu d'artifices de sentiments exprimés, ressentis, sous-entendus ! Il va du profane au sacré, du silence à l’exaltation ! Régal de l'acteur que d'aller chercher toutes ces émotions dans les veinules de chaque virgule ! Régal pour le metteur en scène que de régler cette partition si précise, où le contexte amoureux est mis à mal par le contexte social, où les personnages malgré leur identité forte (ce sont des emplois : servante, valet, jeunes premiers, père raisonneur, etc.) sont ambigus dans leurs sentiments, où l’ambiance générale est un tourbillon dans lequel drame et burlesque se côtoient!
ET CE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD ?
Le jeu de l’amour et du hasard est une des pièces les plus célèbres de Marivaux. Remarquablement construite, elle offre de multiples angles d’approches scénographiques et dramaturgiques. J’aime cette histoire de travestissement qui permet à chaque personnage de se confronter à une condition et une vie qu’il n’aura jamais et par delà se confronter à lui-même en dehors de toute artifice… Ce texte, si subtil dans son analyse du rapport amoureux, me fait rire et m’émeut.
Fort d’une expérience conséquente dans la mise en scène, j’ai très envie de me confronter à ce chef d’œuvre qui réclame une direction d’acteur très précise, de la rigueur et beaucoup de fantaisie…
QUELLE SERA VOTRE LECTURE DE LA PIECE ?
Pour faire ressortir l’intrigue, je voudrais un Dorante et une Sylvia issus d’un milieu très riche, ils ont déjà un vécu amoureux, ils représentent une jeunesse dorée qui veut se stabiliser sans pour autant prendre de risques affectifs ! Je ne vois pas deux jeunes premiers innocents… (C’est une vision contemporaine du rapport amoureux ! En effet, je remarque que beaucoup de jeunes trentenaires, cherchent l’âme sœur pour fonder une famille après avoir vécu de singulières expériences !) Parallèlement, Arlequin et Lisette vont se griser de ce jeu de dupe, laissant apparaître les riches parvenus qu’ils pourraient être !
ET LA SCENOGRAPHIE SERA-ELLE CONTEMPORAINE ?
C’est une question récurrente lorsque l’on monte un classique : « Est-ce que les costumes seront d’époque ou pas d’époque ? » Je ne conçois pas la mise en scène sous cet angle.
Ce qui m’importe c’est de savoir si l’histoire que l’on raconte restitue l’esprit de l’auteur et touche le spectateur dans son intimité. Je ne veux pas de cartes postales aux images d’Epinal, ni d’un Marivaux « perruqué » et ampoulé !
Pour cette mise en scène, le décor inspirera un univers de riches propriétaires, il sera fluide et permettra trois espaces différents (un lieu de civilité comme un salon de réception, un lieu de confession amoureuse comme la cuisine et un lieu d’intimité comme la chambre de Sylvia…). Fragonard et son « verrou » sont nos inspirations de départ. Les costumes seront plus intemporels que 18ème, avec une vraie distance entre Maître et Valet, et une notion de mode et de luxe… J’aimerais aussi une disparité physique entre les acteurs qui permettent de faire ressortir le loufoque des situations de travestissement (une Sylvia sylphide face à une Lisette gironde…). Car avant tout je trouve la pièce très drôle, et j’aimerais que le spectacle le soit.
EN CONCLUSION ?
C'est dans le contraste du léger et de l'intense que naissent les meilleures comédies.
J'aimerais qu'à l'issue de chaque représentation, le spectateur s’en aille chargé d’allégresse, de sensualité et d'émotion et que sous le masque de la comédie, le jeu cruel des apparences sociales se révèle.
NOTE DE SCENOGRAPHIE
Un dispositif ludique, léger, mobil et dynamique qui à chaque changement accompagne le mouvement des cœurs.
L’enjeu est de restituer par le choix des couleurs et des matières, cette vibration et cet élan propre aux tableaux du 18ième.
Un espace où se composent et se décomposent 3 lieux principaux :
La chambre de Silvia, avec son lit, ses draps, ses robes, lieu intime où se noue l’intrigue et auquel on revient à la toute fin.
La cuisine, lieu central de notre vision de la pièce au second acte, en sous sol, sans issues, qui met en relief les contradictions entre être et paraître de chacun des protagonistes.
Enfin, le « hall », sorte de labyrinthe où toutes les entrées sont possibles..........................................................................................................................................................
COURRIER DU SPECTATEUR :
"J'ai aimé/ Je n'ai pas aimé"
"J'ai aimé le jeu des acteurs. Je n'ai pas aimé la mise en scène un peu trop moderne, ne reflétant pas assez le XVIIIème siècle." (Marie)
"C'est assurément la meilleure pièce que nous ayons vue de l'année! J'ai beaucoup aimé les acteurs et surtout le fait que la mise en scène ait été aussi drôle et bien pensée. La scène dans la cuisine avec les deux domestiques déguisés en maîtres était la plus amusante, l'ajout de la banane et des raisins par le metteur en scène rendait la scène vraiment hilarante. Deplus, on était situé au premier rang sur le côté, là où les acteurs faisaient de nombreux apartés, on a donc pu voir très distinctement les nombrux jeux cmiques des personnages.
La seule chose qui m'a un peu déplue, c'est qu'il y ait parfois quelques longueurs.
Les personnages les plus drôles étaient Lisette, la servante déguisée, Mario, le frère, et arlequin, déguisé en Dorante. "(Valentine)
"Cette pièce m'a beaucoup plu. J'y retournerais volontiers. J'ai trouvé la mise en scène dynamique, les acteurs excellents et très attachants. Seuls points négatifs (quasi négligeables) : j'aurais bien aimé un peu plus d'accessoires pour certaines pièces de la maison : le salon avec les bancs, la chambre. En revanche la cuisine était très réussie." Clémence M.
"Spectacle amusant, divertissant, intéressant. Décor simple et correct" (Benjamin).
"Je n'ai pas aimé le jeu trop excessif d'Arlequin travesti" (Adélaïde).
"J'ai beaucoup aimé cette pièce : je n'avais jamais lu la pièce mais dès les stratagèmes mis en place au début par la famille Orgon, le spectateur devine en partie le déroulement et le dénouement de la pièce : ce qui fait vraiment l'originalité de cette pièce et ce qui m'a plu était la mise en scène : le travestissement des personnages (composé avec quelques accessoires contemporains, comme le boa de Lisette par exemple) était très dérisoire et décalé, de ce fait, cela contraste avec le rang des personnages, issus de la noblesse. De plus, la scène entre Arlequin et Lisette dans la cuisine avec les fruits était très originale et vraiment comique. Le frère est également très attachant par toutes ses mimiques (son visage était très expressif). Enfin les rôles de comte et comtesse joués par les deux valets sont hilarants, car chacun grossit les traits et caractéristiques de ces deux statuts : l'autodérision des deux est très agréable." Clémence S.
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Dossier de Nathalie Gineste : 1ère ES
Le jeu de l’amour et du hasard
Comédie en trois actes et en prose de Marivaux (1730).
Mise en scène par Xavier Lemaire au théâtre Mouffetard (2008).
avec Isabelle Andréani (Lisette), Gaëlle Billaut-Danno (Silvia), Bernard Carpentier (Monsieur Orgon), Julien Cigana (Mario), Xavier Clion (Dorante), Christian Dubouis (Arlequin), Michaël Gaudeul (le laquais)
décor Caroline Mexme / costumes Brigitte Elbar / lumières François Eric Valentin assistant Michaël Gaudeul |
L’auteur : Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux
Dramaturge et romancier français (Paris, 1688 - id., 1763).
Pierre Carlet naît le 4 février 1688, à Paris. Son père, fonctionnaire de la Marine, devient en 1699 contrôleur de la Monnaie à Riom. Les revenus de cette charge permettront aux Carlet d'acheter les terres de Chamblain et de Marivaux. Pierre entre au collège des Oratoriens, où il acquiert une solide culture classique. En 1710, à vingt-deux ans, il monte à Paris pour faire ses études de droit, qu'il interrompt trois ans plus tard, après la publication d'une première comédie, le Père prudent et équitable (1712).
Pierre Carlet se met à fréquenter les journalistes du Mercure et le salon de Mme de Lambert: il rejoint ainsi le clan des Modernes, opposés aux Anciens dans une célèbre querelle, commencée dans les années 1680, et réactivée en 1714. Les œuvres du jeune écrivain le situent résolument du côté des Modernes: roman psychologique et sensible avec les Effets surprenants de la sympathie (1712-1714), roman parodique avec Pharsamon ou les Folies romanesques (rédigé en 1713, publié en 1737) et la Voiture embourbée (1714), essai satirique avec le Bilboquet (1713), détournement burlesque des Anciens dans l'Homère travesti ou l'Iliade en vers burlesques (1717), et le Télémaque travesti (rédigé en 1717, publié en 1736). En 1717, son mariage avec Colombe Bollogne (qui mourra six ans plus tard) assure à celui qui signe désormais du nom de Marivaux un confort matériel suffisant pour lui permettre de se consacrer exclusivement à la littérature.
Ce n'est pourtant que sous la Régence que sa carrière se jouera définitivement. En 1720, la faillite du système de John Law ruine Marivaux, qui, pour reprendre la charge de son père, décédé un an plus tôt, termine ses études de droit, et est reçu avocat au parlement de Paris en 1721. Il ne plaidera guère, car, en 1720, les comédiens-italiens remportent un vif succès avec Arlequin poli par l'amour : le dramaturge peut vivre désormais de sa plume. Durant une vingtaine d'années, il rédige une trentaine de pièces, dont il confie plus des deux tiers à la Comédie-Italienne. Après quelques articles publiés dans le Mercure dès 1717, il lance en 1721 un journal dont il est le seul rédacteur, le Spectateur français. Les livraisons s'échelonneront jusqu'à la création, en 1727, de l'Indigent philosophe, suivi, en 1734, du Cabinet du philosophe. Homme de théâtre, essayiste et journaliste, Marivaux apporte aussi une contribution majeure à l'histoire du roman. De 1731 à 1741, il publie les onze parties de la Vie de Marianne, et en 1734, le Paysan parvenu.
À la mort de Mme de Lambert, en 1733, Marivaux fréquente un autre salon, celui de Mme de Tencin. Sa notoriété et ses appuis lui valent d'être élu à l'Académie française, en 1742, contre un rival nommé Voltaire. Durant les vingt dernières années de sa vie, il publie encore quelques comédies, qui ne sont pas représentées, prononce et publie divers discours à l'Académie, essais qui traitent de questions morales et littéraires avec une certaine distance à l'égard de la nouvelle génération des «philosophes». Lorsqu’il s'éteint, en 1763, à l'âge de soixante-quinze ans, les subtilités du marivaudage ne conviennent plus à un siècle qui se tourne alors vers le sentimentalisme du drame bourgeois, le scepticisme du roman libertin, le retour à la nature et le militantisme politique.
L’intrigue :
Silvia redoute le mariage. À la veille de rencontrer son fiancé, elle obtient de son père la possibilité de tenter une expérience : afin d'observer le jeune homme à loisir, et de le choisir librement, elle changera d'identité avec sa servante Lisette, à qui elle emprunte son costume. Monsieur Orgon, le père, accepte l'aventure. Mais il sait que, de l'autre côté, Dorante a éprouvé lui aussi ce besoin, et qu'il aura lui aussi changé d'identité avec son valet Arlequin. Tout en s'observant, les jeunes gens rivalisent de maladresse pour interpréter correctement leurs fonctions de domestiques, tandis que les valets se complaisent dans leurs rôles (et se plaisent mutuellement) : chacun conserve son langage et ses manières. S'ensuivent évidemment un nombre considérable de situations insensées, de doutes personnels, de problèmes sociaux éventuels, et d'épreuves burlesques où les deux jeunes gens risquent de se perdre, sous le regard complice du père et du frère de Silvia. Il faudra aux deux jeunes gens beaucoup d'amour pour aller au bout du jeu et triompher des hasards dans lesquels ils se sont jetés. Souffrant d'éprouver des sentiments qu'il ne peut exprimer, Dorante avoue finalement son identité à Silvia qui, elle, pousse le jeu jusqu'à son terme : elle décide de mettre à l'épreuve la véracité des sentiments de son prétendant en excitant sa jalousie. Dorante accepte alors d'épouser la prétendue soubrette, dévoilant ainsi son mépris des préjugés de classe. Une fois les masques tombés, chacun retrouve son rôle et sa condition d'origine.
Analyse :
Subtil jeu de masques construit sur un système de duperie, où le comique naît des quiproquos et des malentendus, le Jeu de l'amour et du hasard explore l'univers du faux-semblant, les contradictions du cœur et de la classe sociale, et révèle le rêve tacite d'élévation de la condition domestique. La virtuosité, subtile et gracieuse, de ces situations symétriques a conquis un large public. Le Jeu de l'amour et du hasard marque l'apogée de la carrière littéraire de Marivaux, exclusivement consacrée à l'exploration de l'amour.
Le travestissement :
Le jeu repose sur le déguisement maître et valet ; le masque est donc une des composantes essentielles de la pièce puisque quatre personnages sur six sont déguisés. Les personnages se travestissent au début du premier acte et il faut attendre la fin du troisième acte pour voir tous les masques tomber. Un tel procédé est riche de quiproquos et de rebondissements comiques. Le masque sert à percer la vérité de l’autre. L’amour est ici confronté aux préjugés sociaux et à l’exigence de vérité des sentiments. L’ambiguïté des personnages rend l’intrigue subtile : chacun est une énigme pour l’autre, d’où les multiples doutes et interrogations.
La relation maître et valet :
L’échange des rôles entre maîtres et serviteurs va temporairement bousculer la définition de l’échelle sociale et donner à réfléchir sur les valeurs et la signification qu’on y attache. Ainsi le déguisement n’est pas seulement une « ficelle théâtrale », il laisse à réfléchir sur la société inégalitaire de l’Ancien Régime.
Le marivaudage :
Les héros, prisonniers de leur éducation, de leurs préjugés, peinent à s’avouer et à avouer leur amour. Libres de choisir ceux auxquels ils vont lier leur destin, ils hésitent, tergiversent. Héritier du courant précieux, le marivaudage désigne une manière d’exprimer avec raffinement les sentiments amoureux : le langage galant est l’instrument privilégié du cœur. Le spectateur détient les informations que les personnages n’ont pas et s’amuse à voir ceux-ci se débattre dans leurs contradictions. Le dénouement heureux fait triompher l’amour. Quiproquos et mots d’esprit abondent. En cela, cette pièce témoigne du goût du siècle des Lumières pour l’art de la conversation.
Le comique de caractère :
Il naît de la bêtise des valets et de la parodie de leurs maîtres. Le décalage entre leur habit aristocratique et leurs propos provoque un effet burlesque. Ils ne font que singer les manières et le langage précieux.
Le comique de situation :
La seconde forme de comique naît des quiproquos et des malentendus. Le travestissement des personnages est le principal ressort comique de la pièce.
La scène qui présente le plus bel exemple de malentendu est celle du double aveu de Lisette et d’Arlequin. Les deux valets, sermonnés par leurs maîtres respectifs sont dans l’obligation de révéler à l’autre qui ils sont. Mais ils ne se pressent pas de dire qu’ils sont seulement des valets car ils craignent de perdre l’amour de leur partenaire qu’ils croient noble. Chaque personnage est alors trompeur et trompé et le sel du dialogue tient au retard apporté à la confession de chacun. Aucun des deux ne peut comprendre pourquoi l’autre devient si modeste et nie tous ses mérites. Le malentendu s’aggrave encore lorsque Lisette, se doutant de quelque chose somme Arlequin de lui dire qui il est et n’obtient pas de réponse.
L’étonnement feint de Mario de ne rien savoir lorsque Silvia lui annonce la supercherie ne peut que faire sourire.
Le comique verbal :
Ce comique traditionnel repose sur les jeux du langage, nombreux et variés :
* héritières de la farce, les injures : « maraud », « butor », « vertuchou » ;
* Arlequin profite du déguisement pour se moquer de son maître : «Ah, les sottes gens que nos gens !» ;
* pour ne pas avouer la bassesse de sa situation, Arlequin emploie l’expression « soldat d’antichambre ».
Le comique de geste :
La quatrième forme de comique repose essentiellement sur la mise en scène qui a accentué le ridicule des valets. Leur inadéquation à la condition aristocratique prête à rire. L’exemple le plus marquant est la scène de séduction avec notamment la banane. Lisette se pavane avec des plumes. Arlequin propose même à son maître de le bastonner.
Entre tradition et modernité :
Xavier Lemaire a réalisé une mise en scène comique, vivante, agréable à regarder. Le spectacle est empreint de fantaisie et de mouvement. On ne s’ennuie pas une seconde.
La scène ne respecte pas l’unité de lieu puisque se succèdent tour à tour la chambre de Silvia, le salon de réception de M. Orgon et la cuisine.
Les costumes sont relativement classiques à l’exception de ceux des valets : celui d’Arlequin, en particulier, au lieu de lui donner un maintien aristocratique renforce son ridicule, il en est de même pour Lisette.
Les acteurs :
On sent que leur rôle leur plaît et qu’ils mettent tout leur cœur à interpréter leur personnage. Le travail de la diction est intéressant : on comprend bien les répliques de chaque comédien. Ce qui est étonnant c’est que même déguisés, les nobles gardent un certain maintien et une fierté qui les distingue du peuple tandis que les valets gardent leurs manières stupides. C’est en cela que le jeu des acteurs est intéressant. Ils mettent en avant l’aspect psychologique des personnages.
Mimesis :
La direction des acteurs et l'agencement des éléments visuels et sonores du spectacle scénique reposent sur des choix esthétiques adaptés à la pièce.
La mise en scène est plutôt originale. Les qualités de spectacle tiennent surtout au divertissement.
Catharsis :
Le spectacle correspond bien à l’esprit d’une comédie des Lumières. La pièce fut jouée pour la première fois par les comédiens-italiens le 23 janvier 1730. Ils allient la tradition de la commedia dell’arte (improvisation, jeux de scène, personnages types comme le valet Arlequin…) avec la convention et la nouveauté du répertoire de Marivaux. Le spectacle pose le rôle cruel des apparences sociales, dans un jeu de dupes où chacun est trompé, y compris soi-même, la sincérité du sentiment amoureux et la relation maître et valet.
Le spectateur est séduit par la mise en scène.
L’esthétique :
L’esthétique du spectacle est en correspondance avec le texte, même si le metteur en scène n’a pas respecté la règle de bienséance, codifiée par l’Académie française (notamment dans la première scène où l’on voit Silvia légèrement vêtue).
Impressions personnelles :
Le spectacle m’a plu ; il a parfaitement répondu à mes attentes. Je connaissais déjà l’intrigue et la mise en scène m’a fait voir le texte sous un angle nouveau. J’ai trouvé le jeu des domestiques particulièrement comique.
Conclusion :
« Ce classique des classiques est d’un modernisme à toute épreuve. […] C’est dans le contraste du léger et de l’intense que naissent les meilleures comédies.» Xavier Lemaire.